latence

Plusieurs jours, souvent plusieurs semaines, parfois plusieurs mois séparent la capture d’une image argentique de sa découverte. Et c’est précisément de ce temps dont me prive l’instantanéité du processus numérique : le temps de latence, le temps de la sédimentation. Je n’ai plus à attendre mes photos, à les imaginer, à les habiter ou être habiter par elles, à les oublier parfois. Je ne connaîtrai plus le mélange de désir, de manque, d’angoisse, d’espoir inhérent à l’absence. Je ne découvrirai plus mes négatifs avant de voir pour la première fois, ému ou déçu, un positif.

Est-ce que je saurai encore regarder ? Ironie du sort, au moment précis où l’accroissement de la sensibilité des capteurs CCD me permet de filmer dans la quasi-obscurité du laboratoire, le laboratoire disparaît. L’agrandisseur et les cuves de développement sont jetés au rebut. Patria obscura est ma toute dernière occasion de documenter le monde argentique dans lequel j’ai grandi, dans lequel j’ai appris mon métier et construit mon rapport au monde.

 

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