aux disparus
J’ai trop tardé. Ou bien ils sont partis trop tôt. La production du film touche à sa fin et je pense à celles et ceux qui ne pourront pas le voir.
Je pense à Jacotte Lacassy d’Arboucave, dans les Landes. Jacotte était l’amie de Marie-France, une voisine de mes grands-parents. Leur présence plane dans la lumière des grandes vacances, sur mes souvenirs d’enfance.
Je pense à René Labrousse, mon oncle, le demi-frère de mon père. J’ai attendu vingt ans avant de passer voir René dans son pavillon de Moselle. Il semblait m’attendre pour me raconter ses souvenirs. Nous avons tout juste eu le temps de nous connaître, et puis il est parti.
Je pense à Odette Gorce, ma grande-tante de Rochechouart, dans le Limousin. J’ignorais son existence avant de commencer le film. Odette m’a raconté la vie rude des habitants de ce coin de France. Elle m’a confectionné un napperon au crochet qui repose sous une lampe du séjour.
Je pense à Madeleine Durousseau, ma petite cousine. Madeleine n’avait pas très envie d’apparaître dans un film, je n’ai pas gardé son visage au montage. Fille de domestique, née de père inconnu, ma quête des origines réveillait ses souffrances.
Je pense à Raymond Leicht, dit Cacop. J’ai rencontré Cacop au bistrot. Il buvait déjà des coups dans les années soixante avec le père Ragot, mon grand-père, le garde-champêtre de Gandrange. J’espère qu’au fond du cimetière ils trinquent ensemble à ma santé.